Je suis un verseau né en 1964. D’aussi loin que je me souvienne il y a eu de la bouffe dans ma vie. Comme tout le monde vous me direz. Et bien non justement, pas comme tout le monde. Je suis né dans une famille où bouffe s’écrit généralement avec un B majuscule. Mon premier souvenir de cuisine est d’avoir fait des crêpes. Voyez-vous, ma mère était du genre à nous pousser au fourneau quand on réclamait des crêpes, nouilles et autre genre de choses qu’un ti-cul voulait manger. Un des premiers livres que j’ai feuilleté était un gros recueil de la revue Gourmet que ma mère avait. Je ne me lassais pas de regarder les photos de petits fours ou de roast beef.
Les 40 années suivantes sont passées à la vitesse de l’éclair avec une constante : chaque moment, chaque étape de ma vie a été ponctué par des choses à déguster : quand j’ai eu mon resto; les hot-dogs et jus de papayes qui nourrissaient ma vie de bohème à New-York; les bols de riz/lentilles/oignons frits qui me faisaient survivre dans les rues du Caire; la poutine italienne au Casseau du Quai; le cassoulet de ma mère dans une maison historique du Vieux-Québec un soir de première neige; mon premier pain dans ma cuisine en réno depuis deux ans; les sushis préparés pour Zoé et Chrystelle dans leur appartement de San-Francisco; le gros cochon en méchoui cuit dans ma cour et le croque-en-bouche gigantesque de chez De Froment et de Sève servi à mon mariage.
Au-delà de la nourriture, quand j’évoque ces repas mémorables, c’est le temps précieux passé avec les gens que j’aime qui me revient en tête : tous ceux avec qui j’ai mangé; ceux pour qui j’ai cuisiné; en plus de ceux qui ont su, eux aussi, me préparer des petits plats. Voilà un des plus beaux pouvoirs de la Bouffe!